19 février 2010

Dans la province de Misiones

Déjà plus d'une semaine passée dans la province de Misiones, tout au nord de l'Argentine. Bande de terre coincée entre le Paraguay d'un côté et le Brésil de l'autre, c'est encore un monde à part à l'intérieur du pays. On retrouve dans les villes cette ambiance bordélique, débraillée, qui avait disparu depuis l'entrée au Chili. Les rues redeviennent super agitées, avec leurs vendeurs ambulants, les odeurs de bouffe, la musique partout... Et on peut s'enfoncer de nouveau dans la forêt dense et humide de l'intérieur de la province, comme on l'avait fait au Pérou ou en Bolivie. Les balades sont toujours spectaculaires au milieu de cette végétation incroyable, et on transpire à grosses gouttes avant d'atteindre des chutes d'eau où se rafraîchir.
C'est en plein dans cette jungle que des missionnaires jésuites sont venus fonder une trentaine de communautés au 17e siècle (et le nom de la province vient de là: Misiones). On a appris pas mal de choses là-dessus en visitant les ruines de San Ignacio et celles de Trinidad, côté paraguayen. Alors oui, c'est toujours les mêmes histoires d'évangélisation d'indigènes: la curaille vient fourguer ses salades pas toujours fraîches, expliquer que son dieu est bien meilleur que ceux vénérés dans le coin. Mais on apprend des choses quand même positives sur la vie dans ces missions: que la présence européenne y était réduite (seuls 2 prêtres pour un village), que les indiens Guaranis continuaient de gérer leur quotidien, d'élire leur chef, qu'ils étaient libres de quitter la mission quand ils le voulaient... La vie dans les missions jésuites les protégeait surtout des colons esclavagistes qui sévissaient dans la région. De plus, la création artistique était au centre de la vie communautaire. Les oeuvres créées à l'intérieur des missions (peintures, sculptures, musiques) ont donné naissance à un style particulier, le Baroque Guarani. Bref, pas si mauvaise que ça, l'expérience jésuite... Mais vers le milieu du 18e, le Roi d'Espagne et les esclavagistes locaux ont fichu les curés dehors, la belle vie avait assez duré...
Et pour finir notre séjour à Misiones, on passe évidemment voir les chutes d'Iguazu, définitivement impressionnantes. On file maintenant au Paraguay.

10 février 2010

Esteros de Ibera, beauté sauvage

Des mauvais choix, des journées gâchées par des pluies diluviennes, des problèmes de transport avec des connexions qui se goupillent mal, des attentes interminables au milieu de nulle part, des visites décevantes... Bref, quelques journées un peu pourries. De celles qui font encore plus apprécier les bons moments qui suivent, c'est comme ça qu'on les prend.
Et puis les bons moments, ils reviennent vite en grande pompe, ici, à Colonia Pellegrini (encore un village bien paumé...). On plante le décor. Plus d'un million d'hectares de lagunes et de marais forment les estuaires d'Ibera ("eau brillante" en Guarani). La zone a été déclarée Réserve naturelle il y a plus de 20 ans par le gouvernement argentin. Les choses ont alors changé petit à petit. Le village qui se résumait aux maisons des 4 ou 5 familles de colons a grossi jusqu'à compter maintenant près de 800 habitants. Les locaux ont appris à ne plus chasser les caïmans, les loutres ou les capybaras (dont ils vendaient la peau) mais à les protéger. Les braconniers sont devenus gardes du parc. Le tourisme a alors débarqué et fait vivre le village aujourd'hui. La vie à Ibera reste quand même très paisible. La difficulté d'accés (4h de piste tape-cul), le petit nombre de structures d'accueil, de commerces, fait que les touristes ne débarquent pas (encore) en grand nombre. Tant mieux pour nous.
Et c'est dans une petite barque qu'on pénètre dans cet immense paradis sauvage, pour ne pas troubler la tranquilité qui règne dans l'estuaire. On glisse calmement entre roseaux et nénuphars géants, d'une île flottante à l'autre. Les caïmans sont impressionants (ils l' appellent ici Yacare, "celui qui sort la tête" en Guarani) mais paisibles (faut pas les embêter, quoi). Un autre qui devrait pas faire une crise cardiaque, c'est le capybara, sorte de cochon d'inde géant (un adulte pèse plus de 60 kg!) toujours à deux à l'heure, vraiment marrant. C'est le plus gros rongeur du monde. Les oiseaux s'activent bien plus. Impossible de compter les espèces différentes qui nous passent sous les yeux. De toutes les couleurs, de toutes les tailles... Et pas vraiment farouches. Ils viennent frôler nos têtes. Les cerfs sont plus timides, on les observe d'assez loin, tant pis. On aurait aussi aimé s'approcher un peu plus des singes hurleurs qui font la sieste sur leurs branches, mais c'est pas grave, on est déjà heureux comme des gamins, à plus savoir où regarder.
On était un peu triste ce matin, en démontant la tente. Pas facile de quitter un coin aussi beau, aussi apaisant. Mais il faut grimper dans le 4x4, d'autres aventures nous attendent.